Jacques-Antoine Malarevicz, systémicien de renom, intervient en entreprise depuis 1987. Il nous livre dans cet article son regard sur l’entreprise familiale et en particulier les difficultés liées à la transmission de celle-ci.
Selon lui, au moment de la transmission, l’entreprise est plus que jamais envisagée comme un patrimoine, monétisée, et c’est cette considération monétarisée de l’entreprise qui réveille les affects et rend problématique la transmission. Au point que pour deux entreprises sur trois, la transmission se passera mal et l’entreprise ne pourra pas rester dans la famille.
On comprend à quel point les enjeux sont cruciaux !
La transmission est affective à plus d’un titre, et à des degrés divers selon les personnes et les situations.
Il y a bien entendu la situation du/des cédant(s), parfois fondateur(s) de l’entreprise, qui a/ont un véritable travail de deuil à faire.
Par ailleurs, le cédant aura à accorder sa confiance à son ou ses enfants repreneurs. A l’heure actuelle, le repreneur n’est plus systématiquement l’ainé, mais peut être n’importe lequel des enfants, fille ou garçon. Il peut également s’agir de co-repreneurs : plusieurs membres de la fratrie, un couple, …
Cela peut également compliquer le bon déroulement de la transmission car cela remet en question les cadres de référence traditionnels.
Des secrets de familles émergent parfois à cette occasion, déstabilisant d’autant plus le système familial et ses membres.
Les problèmes de transmission font crise lorsqu’ils n’ont pas été anticipés, nous dit le systémicien. L’essentiel est de préserver l’entreprise, qui peut sérieusement souffrir de périodes conflictuelles trop longues, dues au manque de préparation.
L’idéal, selon Malarevicz, est d’avoir anticipé par l’élaboration préalable d’une « charte familiale » prévoyant toutes les problématiques, tant financières que relationnelles.
Au vu des changements sociétaux de notre époque et de leur rapidité, je me demande parfois s’il est possible de tout anticiper. Et comment anticiper des secrets de famille ? Mais il est clair que la prévision des problématiques possibles via une charte constitue un excellent travail préparatoire.
Les modalités de réalisation de ce travail seront également essentielles : au plus la famille sera mobilisée et impliquée, au plus le système sera préparé. Donner une place à la composante émotionnelle dans le travail préparatoire sera également un gage de meilleur déroulement de la phase de transition effective.
Dans la réalité que j’observe et accompagne, prévoir les dynamiques relationnelles inconscientes liées à la transmission reste difficile.
Il me semble délicat de stigmatiser les entreprises qui n’auront pas trouvé le temps de faire ce travail préalable ou n’y auront pas pensé par manque d’information, ou encore se retrouveront coincées dans une crise malgré un travail anticipatif, du fait de l’émergence d’événements nouveaux dans le processus de la transmission.